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Page:Anatole France - Le Parti noir.djvu/54

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Si l’infaillibilité du pape en matière de dogme est d’ordre théologique, l’infaillibilité du pape en matière de morale est d’ordre politique ; c’est la mainmise sur toutes les consciences, c’est la direction temporelle des sociétés, c’est le Syllabus imposé aux États comme acte constitutionnel.

Rêve ? non pas ! Réalité solide. Et ce n’est pas Pie IX seul qui a fait cela ; ce ne sont pas seulement ses cardinaux, ce sont les Églises de toutes les nations, c’est l’Église. Et dès lors, pour s’emparer de la conscience des individus et des peuples par tout le globe, la papauté mit en marche l’armée la mieux commandée et la plus disciplinée qu’on eût jamais vue, évêques, prêtres, moines et les tiers ordres.

Sans doute la papauté avait aspiré de tout temps à la domination universelle et médité de suspendre la terre à l’anneau du Pêcheur. Depuis le douzième siècle, les papes disputèrent à nos rois le gouvernement du royaume. Mais qu’était le pape d’alors auprès du pape d’aujourd’hui ? « Vous êtes non pas le seigneur des évêques, mais l’un d’eux », disait Saint Bernard au pape. Et Bossuet, citant cette parole, ajoutait : « Voilà ce qu’ont toujours dit ceux qui ont été parmi nous les plus pieux. »