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Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/106

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coulait le long de la jambe un froid mortel, dont je cherchais la cause, que je ne pouvais trouver, et j’allais jusqu’à me demander si je n’avais pas reçu sans m’en apercevoir une blessure dans le combat et si je ne perdais pas tout mon sang. Et en faisant la chaîne, je me disais : « Ce que j’éprouve n’est pas naturel » ; et je tournais l’œil devant, derrière, à droite et à gauche pour me rendre compte de ce qui m’arrivait. Mais voilà-t-il pas que tout à coup je vois mon voisin de gauche, le gamin, occupé à vider dans la poche de ma blouse le seau que je venais de lui passer… Mesdames, le polisson reçut sur la joue une giroflée à cinq feuilles qu’il pourra montrer à son amoureuse.

» C’est pourquoi, conclut M Clérot, si c’était un effet de votre bonté, madame Nozière, je me chaufferais bien volontiers un moment à votre poêle. Ce morveux m’a glacé jusqu’aux os. Une jeunesse pareille, qui a perdu à ce point le respect, cela fait frémir ! »

Et le gros homme, ayant tiré de sa poche un mètre, un diamant à tailler le verre et un journal réduit en pâte, la retourna dégouttante. Il souleva sa blouse et bientôt ses vêtements