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Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/153

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Or, un jour que je montais en sa compagnie l’escalier assez étroit de la comtesse Michaud, du comte Waleswski, et de quelques autres locataires dont les noms me sont échappés (la façade de la maison, que je regarde bien souvent, n’a pas changé ; comment, pour quelle raison inconnue de moi-même, par quel instinct secret, ne suis-je pas allé voir si l’escalier aussi est resté tel qu’il était dans mon enfance ?) un jour, dis-je, me trouvant avec Morin, entre le premier et le second palier, nous vîmes au-dessus de nous une jeune dame qui descendait les marches. Aussitôt Morin, qui était d’une politesse accomplie, et m’enseignait, en toute occurrence, la civilité puérile et honnête, me fit ranger à son côté contre le mur, m’avertit de tenir ma casquette à la main, et souleva son bonnet grec.

Cette jeune dame portait une robe de velours carmélite et un châle de cachemire de l’Inde, à grandes palmes. Une capote, en forme de cabriolet, encadrait son visage mince et pâle. Elle descendait les degrés avec grâce. En passant, elle abaissa sur moi ses grands yeux ardents et noirs, puis de sa petite bouche, de sa très petite bouche, pareille à une grenade,