me semblent aujourd’hui, je m’ennuyais rarement, pour la raison que, dès lors, j’avais une vie intérieure très active, que je sentais et ressentais fortement les choses et absorbais tout ce qui, dans le monde extérieur, correspondait à ma faible intelligence. Je savais d’ailleurs que les frères viennent ordinairement tout menus, ne sachant point marcher, incapables de toute conversation et n’offrant aucune espèce d’utilité. Je n’étais pas sûr, quand le mien aurait grandi, d’en être aimé, ni de l’aimer. L’exemple auguste et familier de Caïn et d’Abel ne me rassurait pas. Il est vrai que je voyais de mes fenêtres les deux potirons jumeaux, Alfred et Clément Caumont, potironner côte à côte dans une paix profonde. Mais je voyais souvent dans la cour Jean, l’apprenti couvreur, battre comme plâtre son frère Alphonse qui lui tirait la langue et lui faisait des pieds de nez. De sorte qu’il me semblait difficile de s’instruire sur l’exemple. Enfin, mon état d’enfant unique offrait à mon avis de précieux avantages : ceux, entre autres, de n’être jamais contrarié, de ne partager avec personne l’amour de mes parents et de sauvegarder ce goût, ce besoin de m’entre-
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