Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/166

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d’ailleurs mes parents ne pouvaient pas adopter un enfant puisqu’ils en avaient déjà un. Cette raison, dont je méconnaissais la valeur juridique, ne me frappa point, et je continuai à chercher un frère adoptif dans mes promenades au Luxembourg, aux Tuileries et au Jardin des Plantes, avec ma bonne Mélanie. Malgré la défense de la pauvre vieille, je m’accointais avec les petits garçons que nous rencontrions. Timide et gauche, de chétive apparence, je recevais d’eux le plus souvent le mépris et l’injure. Ou, si je trouvais d’aventure un enfant aussi timide que moi, nous nous séparions muets, la tête basse et le cœur gros, sans avoir su témoigner l’un à l’autre la tendresse que nous éprouvions. J’ai acquis, en ce temps, la certitude que, sans être excellent, je vaux mieux que la plupart des autres hommes.

À quelque temps de là, un jour d’automne, me trouvant seul dans le salon, je vis sortir de la cheminée un petit Savoyard noir comme un diable ; cette apparition me divertit sans trop m’effrayer.

Les petits Savoyards qui, comme celui-là, ramonaient les cheminées, n’étaient pas rares à Paris. Dans les vieilles maisons, telles que la