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Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/174

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Défunte madame Sainte-Lucie, chez qui j’étais en service, avait sur son lit de mort cette couverture toute propre, qui me revint quand les messieurs de Sainte-Lucie partagèrent entre les femmes de service la garde-robe de leur mère.

Cependant, je m’écriais et j’interrogeais sans discontinuer.

— Qui est cette jolie demoiselle qu’un seigneur couronne de roses ? Pourquoi ces tambours, ces trompettes ? ces jeunes filles en cortège, ces paysans qui joignent les mains ?

— Où vois-tu tout cela, mon petit monsieur ? Ce n’est pas possible qu’il se trouve en cette place tout ce que tu dis. Il faut que je mette mes bésicles pour le voir.

Elle s’aperçut que je n’inventais rien.

— C’est ma foi vrai ! Il y a là, en peinture, des jeunes filles, des seigneurs, des villageois. Que sais-je encore ? Eh ! bien, depuis cinquante ans que cette couverture est sur mon lit, je ne m’étais pas avisée de cela. On m’aurait demandé seulement sa couleur que je n’aurais pas su la dire. Et pourtant, je l’ai reprisée bien souvent.

Comme je sortais de la chambre avec Mélanie, j’entendis un bruit de béquilles et de pas qui résonnait dans la sombre profondeur du