Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/180

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plus volontiers, et que j’écoutais avec le plus de plaisir, était celle du siège de Granville.

Marie Rauline épousa en l’an IV un soldat de la République, Eugène Laroque, qui, devenu capitaine sous l’Empire, fit la guerre d’Espagne et, surpris par les guérillas de Julian Sanchez, périt assassiné. Veuve avec deux filles, madame Laroque vécut à Paris d’un petit commerce de mercerie. Sa fille aînée se fit religieuse et devint supérieure des Dames du Saint-Sang à Cercy ; on l’appelait la mère Séraphine. L’autre fit une petite fortune dans les modes. Quand je les connus, elles étaient déjà vieilles toutes deux. La mère Séraphine, que je voyais rarement, m’imposait par sa noble simplicité ; mademoiselle Thérèse, sa cadette, me plaisait par son humeur égale et riante ; elle excellait à faire des bêtises. On appelait ainsi des bonbons au caramel qu’on servait dans une petite caisse de papier, ce qui me paraissait un grand effet de l’art. Elle jouait aussi très bien du piano.

Nous étions sûrs de trouver chez les dames Laroque mademoiselle Julie qui croyait aux esprits, et dont je cultivais l’amitié, bien qu’elle fût sèche et rèche. Mais elle contait des