Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/181

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histoires de revenants, des prophéties terribles et certaines, des prodiges. Et, dès l’âge de cinq ans, j’avais besoin d’être affermi dans ma croyance aux diableries.

Hélas ! je trouvais chez les dames Laroque un serpent sous l’herbe. C’était mademoiselle Alphonsine Dusuel qui jadis me piquait les mollets en m’appelant « trésor ». Je me plaignais bien encore à ma mère des cruautés horribles d’Alphonsine ; mais elle me faisait plus de peur que de mal et, pour dire toute la vérité, elle ne me faisait ni mal ni peur. Elle ne s’apercevait même pas de ma présence. Alphonsine devenait une grande demoiselle ; ses perfidies, moins naïves, avaient désormais d’autres objets qu’un petit garçon comme moi. Je voyais bien qu’elle se plaisait maintenant à les exercer sur un neveu de mademoiselle Thérèse, Fulgence Rauline, qui jouait du violon et se préparait à entrer au Conservatoire, et, bien que je ne fusse point d’un naturel jaloux, bien qu’Alphonsine fut laide et tachée de son, j’eusse préféré qu’elle m’enfonçât encore des épingles dans les mollets. Non, je n’étais point jaloux, et si je l’eusse été ce n’eût point été d’un préféré d’Alphonsine. Mais