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Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/232

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LE PETIT PIERRE

ne duraient guère. Il ne resta pas longtemps occupé à acheter des hommes sous l’enseigne des deux grenadiers. On ne saurait dire les métiers qu’il fit ensuite. Le dernier seul fut connu de sa famille. Hyacinthe, devenu très vieux, établit, dans l’arrière-boutique d’un cabaretier de la rue Rambuteau, un cabinet d’affaires. Attablé devant une bouteille de vin blanc et un sac de marrons rôtis, il donnait des consultations aux petits marchands du quartier sur les moyens d’éluder une dette ou d’éviter des poursuites. Ai-je dit que l’oncle Hyacinthe avait le génie de la chicane ? Ce trait achève son portrait. Rusé, madré, retors en fait de procédure, il eût rendu des points à Chicaneau. Le papier timbré faisait ses délices. Dans son arrière-boutique, il servait aussi de secrétaire aux servantes du quartier. Son ami Huguet, tout menu, tout clochant et vif encore, ne l’avait pas abandonné. Ils logeaient dans une soupente, au fond du cabaret. Huguet s’ingéniait pour garnir de tabac la pipe de son ami. Une nuit d’hiver, il fut frappé d’un coup de couteau entre les deux épaules, dans une rixe avec des rôdeurs, et porté à l’hôpital. Hyacinthe l’alla voir. Huguet lui sourit et