Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/235

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le faubourg du Roule. Comme il l’avait prévu, les défenseurs de la barricade, le prenant pour un blessé, le reçurent des mains des porteurs et lui firent passer l’obstacle avec toutes sortes de précautions. Puis, lui ayant fait boire un verre de vin, désignèrent deux d’entre eux pour le porter sur un brancard. Un cortège se forma et grossit chemin faisant ; un élève de l’École Polytechnique, épée au clair, en prit la tête. Des hommes du peuple, en bras de chemise, les manches retroussées, des rameaux verts au canon de leur fusil, se tenaient aux côtés du brancard et criaient :

— Honneur au brave !

Des apprentis typographes, reconnaissables à leur bonnet de papier, des mitrons, tout de blanc vêtus, des écoliers portant les épaulettes et les buffleteries de la garde, un enfant de dix ans coiffé d’un shako qui lui descendait sur les épaules, suivaient en répétant :

— Honneur au brave !

Des femmes, sur leur passage, s’agenouillaient. D’autres jetaient des fleurs à la victime héroïque et déposaient sur le brancard des rubans tricolores et des branches de laurier. Au coin de la rue Saint-Florentin, un épicier libéral le