Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/238

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

faut reconnaître que le peuple de Paris, pendant les Trois Glorieuses, se montra débonnaire et n’abusa pas de sa victoire. La riche bourgeoisie et les corps savants combattirent avec les ouvriers ; les élèves de l’École Polytechnique, sur bien des points, décidèrent du succès. Ils se signalèrent, pour la plupart, par des actes d’héroïsme et d’humanité.

» L’un d’eux, qui pénétra dans le château à la tête d’une troupe populaire, somma les gardes royales de se rendre. Elles levèrent la crosse en l’air, mais le vieux capitaine qui les commandait s’élança furieux l’épée au poing sur l’élève de l’École. Celui-ci, quand déjà l’épée était sur sa poitrine, la détourna et parvint à s’en saisir, puis il la remit à l’officier en disant : « Monsieur, reprenez cette épée que vous avez portée avec honneur sur les champs de bataille et dont vous ne vous servirez plus contre le peuple. » Le capitaine, ému d’admiration et de reconnaissance, détacha de sa tunique sa croix de la Légion d’Honneur et la tendit à son jeune adversaire en lui disant : « La Patrie, sans doute, vous donnera un jour cette décoration. Permettez-moi de vous en offrir les insignes. » Dans cette lutte civile, le senti-