Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/274

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

choses. Mais j’agissais parfois d’une manière vraiment déconcertante.

J’en pourrais citer beaucoup d’exemples. En voici un qui remonte, si je ne me trompe, aux premiers temps de Justine dans notre maison.

Il y avait dans le cabinet aux boutons de roses, sur une étagère, de petits volumes reliés en vert et ornés de gravures, que ma chère maman me donnait quelquefois à lire. C’était L’Ami des Enfants. Les récits de Berquin me transportaient dans l’ancienne France et me faisaient connaître des mœurs bien différentes des nôtres. J’y trouvai, par exemple, l’histoire d’un gentilhomme de dix ans qui portait l’épée et la tirait trop volontiers sur de petits villageois avec lesquels il se prenait de querelle. Mais un jour, au lieu de lame, il dégaina une plume de paon que son sage gouverneur y avait substituée. Jugez de sa honte et de sa confusion. La leçon lui profita. Il ne fut plus orgueilleux ni colère. Ces vieilles histoires avaient pour moi de la fraîcheur et me touchaient aux larmes. Et il me souvient qu’un matin, je lus l’histoire de deux gendarmes qui m’attendrissaient par leur bienfaisance et leur