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à la Chambre des députés. Et qui ne les a pas vus a perdu un beau spectacle : car ils représentaient à eux deux tout le régime inauguré par les Trois Glorieuses. Mais le mal est réparable : on trouvera cent fois ces deux personnages dans les lithographies de Daumier. Enfin, tout le monde se connaissait et ma mère, quand, à trois heures de l’après-midi, elle cousait à sa fenêtre, derrière un pot de réséda, disait en regardant le perron vitré :

— Voilà mademoiselle Mérelle qui va donner sa leçon de grammaire à la petite fille de M. Bellaguet. Elle est charmante, mademoiselle Mérelle, et elle a d’excellentes manières.

C’était l’avis commun que mademoiselle Marelle avait bon ton et était toujours bien mise. Si je n’y prenais garde, en décrivant sa toilette, je peindrais les robes d’aujourd’hui. Je crois que nous sommes tous ainsi : à mesure que le temps passe, nous rhabillons, dans notre souvenir, à la mode nouvelle les jeunes femmes que nous avons vues autrefois. Et c’est aussi ce qu’en fait au théâtre pour les pièces sur lesquelles dix, quinze ou vingt ans ont passé : à chaque reprise, on ramène au goût du jour la toilette de l’héroïne. Mais j’ai le sens