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Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/283

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historique, et le goût du passé. Je me garderai bien de ces rajeunissements qui altèrent la physionomie d’une époque et je dirai que mademoiselle Mérelle, âgée alors de vingt-six ou vingt-sept ans, portait des manches à gigot, et que sa jupe, au rebours de celles d’aujourd’hui, allait en s’évasant vers le bas. Elle serrait contre sa poitrine une écharpe de cachemire ; et elle avait, comme on disait, une taille de guêpe. J’oubliais de dire que de longues anglaises encadraient ses joues de leurs spirales d’or et qu’elle était coiffée d’une capote de velours ou de paille d’Italie, selon la saison, qui s’appelait, je crois, un cabriolet et qui avançait de manière à lui cacher entièrement le profil. Enfin, elle se mettait à la mode.

Or, en ce temps-là, j’avais huit ans. Mon savoir était petit, mais heureusement acquis ; c’était ma mère qui me l’avait donné. Il comprenait la lecture, l’écriture et le calcul. Je mettais, disait-on, assez bien l’orthographe pour mon âge, hors ce qui concernait les participes. Ma mère avait conçu, dans son enfance, une terreur des participes dont elle ne s’était jamais remise, et elle se gardait bien de me conduire dans ces sentiers de la gram-