Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/287

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et, nous ayant donné l’assurance que personne ne viendrait nous déranger, se retira.

Aussitôt mademoiselle Mérelle ouvrit un mignon portefeuille de cuir de Russie, en tira du papier à lettres et un porte-plume fait d’un piquant de hérisson terminé par une boule d’argent, et se mit à écrire. Elle écrivait très vite, et s’interrompait seulement de temps en temps pour regarder le plafond en souriant, et pour me recommander la lecture des fables de La Fontaine qui se trouvaient d’aventure sur la table. Ainsi se passa la première leçon et, quand ma mère me demanda si mademoiselle Mérelle m’avait bien fait travailler, je répondis qu’oui, sans concevoir clairement que je mentais.

Le lendemain, ayant repris place contre le guéridon, mon institutrice me conseilla de nouveau d’étudier une fable et se remit à écrire avec une sorte de ravissement ; parfois, elle s’arrêtait comme pour attendre l’inspiration, et, quand d’aventure ses beaux yeux se posaient sur moi, son visage exprimait une paisible et douce indifférence. La troisième leçon se passa de la même manière, ainsi que toutes celles qui suivirent. Je la