Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/297

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

col de dentelle, et qui, debout sur une terrasse à l’italienne, présentait à Jésus-Christ un verre à pied rempli d’eau. Je contemplais cette dame qui me semblait belle, je méditais cette scène mystérieuse et surtout j’admirais le verre pour sa forme élégante et les pointes de diamant qui en ornaient le pied. Et j’étais plein du désir d’un tel verre quand ma bonne mère m’appela et me dit :

— Pierre, nous irons demain voir Mélanie… Tu es content, je pense ?

Oui, j’étais content. Il y avait plus de deux ans déjà que Mélanie nous avait quittés pour se retirer chez sa nièce qui était fermière à Jouy-en-Josas, J’avais d’abord désiré avec ferveur de revoir ma vieille bonne. Je suppliais ma chère maman de me mener auprès d’elle. Avec le temps, ce désir s’attiédissait ; maintenant, j’étais accoutumé à ne plus la voir et son souvenir, déjà lointain, s’effaçait peu à peu de mon cœur. Oui, j’étais content, mais, à vrai dire, c’était surtout l’idée du voyage qui me réjouissait. Ma vieille Bible ouverte sur les genoux, je pensais à Mélanie, et, me reprochant mon ingratitude, je m’évertuais à l’aimer comme autrefois. Je tirai son souvenir du fond de mon cœur