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Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/304

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Pendant que nous étions seuls avec Mélanie, ma mère lui glissa une petite pièce d’or dans la main, et je vis la pauvre vieille la saisir en tremblant, et la cacher sous son tablier, avec une expression de crainte et d’avidité qui me fit de la peine. Était-ce donc là cette Mélanie qui jadis, à l’insu de ma mère, tirait tous les jours des sous de sa poche pour m’acheter des friandises ?…

Cependant, la bonne créature, redevenue confiante et parlante comme autrefois, rappelait en souriant mes espiègleries ; disait combien je la faisais endêver soit en cachant ses balais, soit en mettant des poids très lourds dans son panier quand elle s’apprêtait pour aller au marché. Elle était gaie et comme rajeunie. Alors, il me passa par la tête de lui dire :

— Et tes castroles, Mélanie, tes belles castroles qui reluisaient et que tu aimais tant ?

À ce souvenir, Mélanie soupira et de grosses larmes coulèrent sur ses joues ridées.

Notre couvert, à ma mère et à moi, était mis dans la chambre à coucher qui sentait la lessive. Les murs étaient blanchis à la chaux et l’on voyait, contre la glace de la cheminée,