Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/311

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mon parrain exposait la doctrine phalanstérienne. En attendant, les choses continuent à marcher du même train que dans mon enfance, et le sort des écoliers d’aujourd’hui n’est, à tout prendre, ni meilleur ni pire que celui du petit Pierre. Mon professeur donc s’appelait Grépinet. Je le vois comme s’il était assis devant moi. Doué d’un gros nez et d’une lippe disgracieuse, il ressemblait à Laurent de Médicis, non par la libéralité de ses mœurs, mais par la laideur de son visage. C’est ce dont je me suis avisé quand j’ai vu des médailles du Magnifique. Si l’on avait des médailles de M. Grépinet, on ne les distinguerait de celles de Laurent que par la facture : les deux profils seraient semblables. M. Grépinet était très bon homme, ou je me trompe fort, et faisait très bien sa classe. Il n’y a point de sa faute si je profitai mal de ses leçons. La première m’enchanta. À la voix de M. Grépinet, je vis sortir comme par une opération magique, d’un livre plus indéchiffrable pour moi que le plus indéchiffrable grimoire, le De Viris des scènes ravissantes. Un berger trouve dans les roseaux du Tibre deux enfants nouveau-nés qu’une louve nourrit de son lait ;