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Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/323

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tuberculose avait-elle envahi sa poitrine étroite. Et quand la maladie lui donnait congé, il n’en était pas quitte envers le sort. Il lui arrivait des accidents si extraordinaires et si fréquents qu’il semblait qu’une puissance invisible s’appliquât à le persécuter. Mais toutes ces disgrâces tournaient à son avantage par l’occasion qu’elles lui donnaient de montrer sa douceur inaltérable. Communément, il glissait, butait, bronchait, trébuchait de toutes les manières concevables et inconcevables, se cognait contre tous les murs, se pinçait le doigt à toutes portes et c’était un perpétuel renouvellement de ses ongles ; il se faisait des coupures aux mains en taillant son crayon ; il se logeait en travers du gosier une arête de chaque poisson que les lacs, les étangs, les ruisseaux, les rivières, les fleuves et les mers lui destinaient et qu’accommodait Malvina, la cuisinière des Sibille. Un saignement de nez le prenait au moment d’aller voir Robert-Houdin ou de faire une promenade à âne, dans le bois de Boulogne, et, en dépit de la clef qu’on lui mettait sur le dos, il tachait son gilet neuf et son beau pantalon blanc. Un jour, sous mes yeux, comme il voltigeait à son habitude sur