Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/331

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Essais pour étudier son propre individu, cette recherche lui dut être plus cruelle que les pierres qui lui déchiraient les reins. Mais je crois qu’il fit son livre tout au contraire pour se distraire et s’amuser, pour se divertir et non pour s’avertir.

Et que l’on ne dise pas que ce sermon sur l’éloignement de soi-même est étrangement placé dans un livre où l’on ne se quitte pas un moment. Je suis une autre personne que l’enfant dont je parle. Nous n’avons plus en commun, lui et moi, un atome de substance ni de pensée. Maintenant qu’il m’est devenu tout à fait étranger, je puis en sa compagnie me distraire de la mienne. Je l’aime, moi qui ne m’aime ni ne me hais. Il m’est doux de vivre en pensée les jours qu’il vivait et je souffre de respirer l’air du temps où nous sommes.