Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/337

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Je répondis que mon professeur était vieux, sale, se mouchait en trompette, se montrait toujours sévère, quelquefois injuste. Quant à mes camarades, je vantai les uns à l’excès, je dépréciai les autres sans mesure. Je ne possédais pas le sentiment des nuances et ne me résignais pas encore à reconnaître l’universelle médiocrité des hommes et des choses.

Je demandai soudain à ma mère :

Esther et Athalie, c’est joli, n’est-ce pas ?

— Sans doute, mon enfant, mais ce sont deux pièces.

J’accueillis ces paroles d’un air si stupide que mon excellente mère jugea utile de me donner des explications très claires.

— Ce sont deux pièces de théâtre, mon enfant, deux tragédies. Esther est une pièce, Athalie en est une autre.

Alors gravement, tranquillement, résolument, je répondis :

— Non.

Ma mère stupéfaite me demanda comment je pouvais nier ainsi sans raison ni civilité.

Je répétai que non, que ce n’étaient pas deux pièces. Qu’Esther et Athalie c’était une histoire, que je la savais, qu’Esther était une bergère.