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Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/338

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— Eh ! bien, dit ma mère, c’est une Esther et Athalie que je ne connais pas. Tu me montreras le livre dans lequel tu as lu cette histoire.

Je gardai quelques instants un sombre silence, puis je repris, l’âme toute brouillée d’amertume et de mélancolie :

— Je te dis qu’Esther et Athalie c’est pas deux pièces de théâtre.

Ma mère essayait de me persuader, quand mon père la pria vivement de me laisser dans mon outrecuidance et ma stupidité.

— Il est idiot, ajouta-t-il.

Et ma mère soupira. Je vis, je vois encore, se soulever et s’abaisser sa poitrine dans son corsage de taffetas noir, fermé au col par une petite broche d’or en forme de nœud, avec deux glands qui tremblaient.

Le lendemain, à huit heures, Justine, ma bonne, me conduisit au collège. J’avais quelque sujet d’être soucieux. Mon thème latin ne me contentait pas et me semblait de nature à ne contenter personne. Son seul aspect révélait un ouvrage imparfait et fautif. L’écriture, assez appliquée et fine au commencement, s’altérait et grossissait par un progrès rapide, jusqu’à devenir informe aux dernières lignes. Mais je