contre le grand bureau d’acajou à cylindre de mon parrain, qui m’eût acquis, à mon sens, plus de considération.
Dès que j’eus une chambre à moi, j’eus une vie intérieure. Je fus capable de réflexion, de recueillement. Cette chambre, je ne la trouvais pas belle ; je ne pensai pas un moment qu’elle dût l’être ; je ne la trouvais pas laide ; je la trouvais unique, incomparable. Elle me séparait de l’univers, et j’y retrouvais l’univers.
C’est là que mon esprit se forma, s’élargit et commença à se peupler de fantômes. Pauvre chambre d’enfant, c’est entre tes quatre murs que vinrent peu à peu me hanter les ombres colorées de la science, les illusions qui m’ont caché la nature et qui s’amassaient davantage entre elle et moi à mesure que je cherchais à la découvrir ; c’est entre tes quatre murs étroits, semés de fleurs bleues, que m’apparurent, d’abord vagues et lointains, les simulacres effrayants de l’amour et de la beauté.