Page:Anatole France - Le Petit Pierre.djvu/36

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peu de mots que je parvenais à balbutier ne m’étaient d’aucun secours en cette circonstance. Planté sur mes pieds, je demeurais haletant et plein de larmes ; et la jeune Alphonsine, penchée sur moi, m’essuyait les joues, me plaignait, m’excusait :

— Il est si petit ! Ne le grondez pas, madame Nozière. J’en aurais du chagrin. Je l’aime tant !

Ce ne fut pas une fois, mais vingt fois qu’Alphonsine m’embrassa avec transports en m’enfonçant une épingle dans les mollets.

Plus tard, quand je pus parler, je dénonçai cette perfidie à ma mère, et à madame Mathias qui prenait soin de moi. Mais on ne me crut pas ; on me reprocha de calomnier l’innocence pour pallier mes torts.

Il y a longtemps que j’ai pardonné à la jeune Alphonsine sa perfide cruauté et même ses cheveux gras. Bien plus, je lui sais gré de m’avoir beaucoup avancé, quand j’avais deux ans, dans la connaissance de la nature humaine.