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tenaient au genre héroïque, et c’est en effet celui qui convient le mieux aux êtres innocents et simples. J’étais lyrique et pathétique, tragique et très tragique. Quand les passions s’élevaient à des hauteurs où la parole manquait, on chantait. Il y avait aussi dans ces drames des scènes comiques. Je travaillais à mon insu dans le système de Shakespeare ; il m’aurait été beaucoup plus difficile de travailler dans celui de Racine. Je n’avais pas, comme M. de Lamartine, la bouffonnerie en horreur. Loin de là ! Mais mon comique était très simple et il ne s’y mêlait pas d’ironie. Les mêmes situations revenaient souvent dans mon théâtre. Je n’avais pas le courage de me le reprocher : elles étaient si touchantes ! Princesses captives, délivrées par un vaillant chevalier, enfants volés et rendus à leur mère, tels étaient mes sujets de prédilection.

Cependant, je courais d’autres carrières. Je composais des drames d’amour où je semais de grandes beautés. Les pièces de ce genre manquaient d’action et surtout de dénouement ; ces défauts tenaient à la pureté de mon âme qui, concevant que l’amour est à lui-même tout son objet et tout son contentement, ne lui faisait