Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/103

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pour les assembler artistement, il attendait de ce grand ouvrage et de cette multitude de figures profit et gloire. Donc, sitôt que le maître fut parti, Buffalmacco se hâta de préparer l’entreprise qu’il avait conçue. Il descendit dans la cave qui, communiquant avec celle d’un boulanger, était pleine de blattes attirées là par l’odeur des sacs de farine. On sait que les blattes ou escarbots pullulent dans les boulangeries, dans les hôtelleries et dans les moulins. Ce sont des insectes plats et puants, qui traînent gauchement sur de longues pattes velues leur carapace[1] jaunâtre.

Au temps des guerres qui ensanglantaient l’Arbia et nourrissaient les oliviers du sang des gentilshommes, ces insectes dégoûtants avaient deux noms dans la Toscane : les Florentins les appelaient des siennois et les Siennois les appelaient des florentins[2].

Le bon Buffalmacco sourit en les voyant

  1. Il faudrait dire leurs élytres. Carapace est un terne impropre, tout à fait impropre. Il s’agit ici de la blatte orientale, répandue dans l’Europe entière.
  2. On les appelle en Russie des Prussiens, en Prusse des Russes. En France, des cafards.