Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/13

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Sur la voie blanche, dans ces nuits transparentes, la seule rencontre que je faisais était celle du R. P. Adone Doni, qui alors travaillait comme moi tout le jour dans l’ancienne académie degli Intronati. J’avais tout de suite aimé ce cordelier qui, blanchi dans l’étude, gardait l’humeur riante et facile d’un ignorant. Il causait volontiers. Je goûtais son parler suave, son beau langage, sa pensée docte et naïve, son air de vieux Silène purifié par les eaux baptismales, son instinct de mime accompli, le jeu de ses passions vives et fines, le génie étrange et charmant dont il était possédé. Assidu à la bibliothèque, il fréquentait aussi le marché, s’arrêtant de préférence devant les contadines, qui vendent des pommes d’or, et prêtant l’oreille à leurs libres propos. Il apprenait d’elles, disait-il, la belle langue toscane.

De sa vie, dont il se taisait, je savais seulement que, né à Viterbe d’une famille noble et misérable, il avait étudié les humanités et la théologie à Rome, était entré jeune chez les Franciscains d’Assise, où il travaillait aux archives, et avait eu des difficultés sur des matières de foi, avec ses supérieurs ecclésias-