Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/131

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eût dit qu’il vivait. La housse de son cheval était d’écarlate et semée de pierres précieuses.

Or, tandis qu’il travaillait, le singe du seigneur évêque le regardait faire et ne le quittait pas des yeux. Que le peintre maniât les tubes, mélangeât les couleurs, battit les œufs ou mit avec le pinceau les touches sur l’enduit encore frais, l’animal ne perdait pas un de ses mouvements. C’était un macaque apporté de Barbarie au doge de Venise sur une galère de la République. Le doge en fit don à l’évêque d’Arezzo qui remercia ce magnifique seigneur en lui rappelant à propos que les navires du roi Salomon avaient pareillement ramené du pays d’Ophir des singes et des paons, ainsi qu’il est dit au troisième Livre des Rois (X. 22). Et le seigneur Guido (c’était le nom de l’évêque) n’estimait rien dans son palais plus précieux que ce macaque.

Il le laissait libre d’errer dans les salles et dans les jardins où l’animal ne cessait point de faire quelque malice. Un dimanche, en l’absence du peintre, il grimpa sur l’échafaud, prit les tubes, mélangea les couleurs à sa fantaisie, cassa tous les œufs qu’il trouva et