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Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/140

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plutôt que par quelque homme mortel, comme étaient le mari et les amants de ladite dame. Mais les plus sages, notamment fra Battista, qui fut avant moi gardien du couvent de Santa Croce, estimaient qu’une telle beauté de chair relevait de l’opération du diable, qui est artiste, au sens où l’entendait Néron, empereur des Romains, quand il disait en mourant : « Quel artiste périt ! » Et l’on ne peut douter que l’ennemi de Dieu, Satan, qui est habile à travailler les métaux, n’excelle aussi dans l’œuvre de chair. Moi qui vous parle, ayant une assez grande connaissance du monde, j’ai vu maintes fois des cloches et des images d’hommes fabriquées par l’ennemi du genre humain. L’artifice en est admirable. J’eus pareillement connaissance d’enfants que le diable fit à des femmes, mais sur ce sujet ma langue est liée par le secret de la confession. Je me bornerai donc à dire qu’on semait d’étranges discours sur la naissance de madame Eletta. Je vis cette dame pour la première fois sur la place de Vérone, le saint vendredi de l’an 1320, alors qu’elle venait d’accomplir sa quatorzième année. Et je l’ai revue depuis sur les prome-