Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/148

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donner ses vêtements aux pauvres. Or, le jour que cette défense lui avait été faite, Giovanni alla, selon sa coutume, prier dans le bois qui couvre les pentes du Cunino. On était en hiver. La neige tombait et les loups descendaient dans les villages.

Fra Giovanni, agenouillé au pied d’un chêne, parla à Dieu comme un ami à un ami et le supplia d’avoir pitié des orphelins, des veuves et des prisonniers ; pitié du maître du champ que pressent rudement les usuriers lombards ; pitié des daims et des biches de la forêt poursuivis par les chasseurs, du lièvre et de l’oiseau pris au piège. Et il fut ravi en extase, et il vit une main dans le ciel.

Quand le soleil eut glissé derrière la montagne, l’homme de Dieu se leva et prit le chemin du couvent. Il rencontra, sur la route blanche et muette, un pauvre qui lui demanda l’aumône pour l’amour de Dieu.

— Hélas ! lui répondit-il, je n’ai rien que ma robe et le gardien m’a défendu de la couper pour en donner la moitié. Je ne puis donc la partager avec vous. Mais si vous m’aimez, mon fils, vous me la déroberez tout entière.