Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/252

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de bergers et de bergères, et l’on y parlait d’amour. Et comme la jeune fille écoutait sur le seuil de la porte, le saint homme se leva, courut tout chancelant vers elle, la prit dans ses bras et lut donna sur les joues des baisers pleins de lait, de rire et de joie.

Et le docteur Subtil ayant payé l’écot, les deux voyageurs s’en allèrent vers la plaine.

Comme ils marchaient le long des saules argentés qui bordent la rivière, le saint homme dit :

— Asseyons-nous. Car voici que je suis las.

Et ils s’assirent sous un saule, et ils voyaient les iris recourber leurs lames sur le rivage et les mouches éclatantes voler sur les eaux. Mais Giovanni ne riait plus, et son visage était triste.

Et le docteur Subtil lui demanda :

— Pourquoi es-tu soucieux ? Et Giovanni lui répondit :

— J’ai senti par toi la caresse des choses vivantes, et je suis troublé dans mon cœur. J’ai goûté le lait et le miel. J’ai vu la servante au seuil de la maison et j’ai connu qu’elle était belle. Et l’inquiétude est dans mon âme et dans ma chair.