Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/253

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« Quel chemin j’ai fait depuis le moment que je t’ai connu. Te souvient-il du bois d’yeuses où je t’ai vu pour la première fois ? Car je te reconnais.

» C’est toi qui m’as visité dans mon ermitage et qui m’apparus avec des yeux de femme qui brillaient sous un voile léger, tandis que ta bouche délicieuse m’enseignait des difficultés sur le Bien. C’est toi encore qui te montras à moi dans la prairie sous ta chape d’or, tel qu’un Ambroise ou qu’un Augustin. Je ne connaissais pas alors le mal de penser. Et tu m’as donné la pensée. Et tu as mis la superbe comme un charbon de feu sur mes lèvres. Et j’ai médité. Mais, dans la roide nouveauté de l’esprit et dans la jeunesse encore rude de l’intelligence, je ne doutais pas. Et tu es venu encore à moi et tu m’as donné l’incertitude et tu m’as fait boire le doute comme du vin. Voici qu’aujourd’hui je goûte par toi l’illusion délicieuse des choses et que l’âme des bois et des ruisseaux, du ciel et de la terre et des formes animées, entre dans ma poitrine.

» Et je suis malheureux parce que je t’ai suivi, Prince des hommes !