Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/272

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Le marchand entra dans une salle éclairée par une lampe de cuivre dont les douze mèches fumaient. Le juif Eliézer s’y tenait assis devant ses balances. Les fenêtres de sa maison étaient murées parce qu’il était infidèle.

Fabio Mutinelli lui parla de cette manière :

— Eliézer, je t’ai plusieurs fois traité de chien et de païen renié. Il m’est arrivé, quand j’étais plus jeune et dans toute la fougue de l’âge, de jeter des pierres et de la boue aux gens qui passaient le long du Canal, une rouelle jaune cousue sur l’épaule, en sorte que j’ai pu atteindre quelqu’un des tiens et toi-même. Je te le dis, non pour te faire affront, mais par loyauté, dans le même moment que je viens te demander de me rendre un grand service.

Le juif leva tout droit en l’air son bras sec et noueux comme un cep de vigne :

— Fabio Mutinelli, le Père qui est au ciel nous jugera l’un et l’autre. Quel service viens-tu me demander ?

— Prête-moi cinq cents ducats pour une année.

— On ne prête pas sans caution. Tu l’as