Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/273

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sans doute appris des tiens. Quelle est ta caution ?

— Il faut que tu saches, Eliézer, qu’il ne me reste pas un denier, pas une tasse d’or, pas un gobelet d’argent. Il ne me reste non plus un ami. Tous ont refusé de me rendre le service que je te demande. Je n’ai au monde que mon honneur de marchand et ma foi de chrétien. Je t’offre pour caution la sainte Vierge Marie et son divin Fils.

À cette réponse, le juif, inclinant la tête comme qui médite et pense, caressa durant quelques instants sa longue barbe blanche. Puis :

— Fabio Mutinelli, mène-moi vers ta caution. Car il convient que le prêteur soit mis en présence de la caution qui lui est offerte.

— Tel est ton droit, répondit le marchand. Lève-toi et viens.

Et il mena Eliézer à l’église dell’Orto, près de l’endroit dit le champ des Maures. Là, montrant la Madone qui, debout sur l’autel, le front ceint d’une couronne de pierreries, les épaules couvertes d’un manteau brodé d’or, tenait entre ses bras l’enfant Jésus paré comme sa mère, le marchand dit au juif :