Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/278

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de cèdre, et bien vénérable. Il la posa dans la nacelle, près du gouvernail, et lui dit :

— Madame, vous êtes ma caution. Il faut que le juif Eliézer soit payé demain. Il y va de mon honneur et du vôtre, Madame, et du bon renom de Votre Fils. Ce qu’un pêcheur mortel, comme je suis, ne peut faire, vous l’accomplirez sûrement, pure Étoile de la mer, vous dont le sein nourrit Celui qui marchait sur les eaux. Portez cet argent au juif Eliézer, dans le Ghetto de Venise, afin que les circoncis ne disent pas que vous êtes une mauvaise caution.

Et, ayant mis la barque à flot, il ôta son chapeau et dit bien doucement :

— Adieu, Madame !

La barque prit le large. Longtemps le marchand et la veuve la suivirent des yeux. La nuit tombait ; un sillage de lumière était tracé sur la mer apaisée.

Or, le lendemain, Eliézer, ayant ouvert sa porte, vit dans l’étroit canal du Ghetto une barque chargée de sacs et montée par une petite figure de bois noir, toute resplendissante des clartés de l’aube. La barque s’arrêta devant