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Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/29

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— Voyez, mes sœurs, ce n’est point un chevrier. On ne voit pas près de lui sa flûte de roseaux. Je ne le reconnais pas non plus pour le maître d’un de ces domaines rustiques, dont le petit jardin suspendu au coteau, sur les vignes, est protégé par un Priape taillé dans un tronc de hêtre. Que fait-il parmi nous, s’il n’est ni chevrier, ni bouvier, ni jardinier ? Il a l’air sombre et rude, et je ne lis point dans son regard l’amour des dieux et des déesses qui peuplent le grand ciel, les bois et les montagnes. Il porte un habit barbare. C’est peut-être un Scythe. Approchons de cet étranger, mes sœurs, et sachons de lui s’il n’est pas venu en ennemi pour troubler nos fontaines, abattre nos arbres, déchirer nos montagnes et révéler aux hommes cruels le mystère de nos asiles heureux. Viens avec moi, Mnaïs ; venez, Eglé, Néère et Mélibée.

— Allons ! répondit Mnaïs, allons avec nos armes !

— Allons ! s’écrièrent-elles toutes ensemble.

Et Fra Mino vit que, s’étant levées, elles cueillirent des roses à pleines mains, et s’avancèrent vers lui, en une longue file, armées