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Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/39

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santes faisaient retentir le sol du choc rythmé de leur double sabot. Elles étaient plus grandes, plus robustes et plus belles que les nymphes et que les femmes ; et leurs flancs plus larges recevaient abondamment la semence des premiers nés de la Terre.

» Sous le règne de Jupiter, les nymphes commencèrent d’habiter les fontaines, les bois et les montagnes. Les faunes, mêlés aux nymphes, formèrent des chœurs légers au fond des bois. Cependant je vivais heureux, mordant à souhait aux grappes de la vigne sauvage et aux lèvres des faunesses rieuses. Et je goûtais le dormir paisible dans les herbes épaisses. Je célébrais sur la flûte rustique Jupiter après Saturne, parce qu’il est en moi de louer les dieux, maîtres du monde.

» Hélas ! et j’ai vieilli, car je ne suis qu’un dieu, et les siècles ont blanchi les crins de ma tête et de ma poitrine ; ils ont éteint l’ardeur de mes reins. J’étais déjà tout appesanti par l’âge lorsque le grand Pan mourut et que Jupiter, subissant le sort qu’il avait infligé à Saturne, fut détrôné par le Galiléen. J’ai traîné depuis lors une vie si languissante, qu’il m’est