Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/43

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les nymphes venaient leur tirer la barbe, et les jeunes faunes, se glissant dans l’étable des hommes saints, arrachaient des poils à la queue de leur ânesse. En vain j’essayai de désarmer leur malice ingénue et de les exhorter à la soumission. « Mes enfants, leur disais-je, le temps des jeux faciles et des rires moqueurs est passé. » Les imprudents ne m’écoutèrent point. Il leur en arriva malheur.

» Mais moi, qui avais vu finir le règne de Saturne, je trouvais naturel et juste que Jupiter pérît à son tour. J’étais résigné à la chute des grands dieux. Je ne résistai pas aux messagers du Galiléen. Même je leur rendis de petits services. Connaissant mieux qu’eux les sentiers des bois, je cueillais des mûres et des prunelles que je déposais sur des feuilles au seuil de leur grotte. Je leur offrais aussi des œufs de pluvier. Et, s’ils bâtissaient une cabane, je leur portais sur mon dos du bois et des pierres. En retour, ils versèrent de l’eau sur mon front et me souhaitèrent la paix en Jésus-Christ.

» Je vivais avec eux et comme eux. Ceux qui les aimaient m’aimaient. Ainsi qu’on les hono-