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Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/44

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rait, on m’honora moi-même, et ma sainteté paraissait égale à la leur.

» Je t’ai dit, mon fils, que j’étais déjà bien vieux alors. Le soleil réchauffait à grand’peine mes membres engourdis. Je n’étais plus qu’un vieil arbre creux, ayant perdu sa couronne fraîche et chantante. Chaque retour de l’automne précipitait ma ruine. Un matin d’hiver, on me trouva étendu sans mouvement au bord du chemin.

» L’évêque, suivi de ses prêtres et de tout le peuple, célébra mes funérailles. Puis je fus mis dans un grand tombeau de marbre blanc, marqué trois fois du signe de la croix et portant sur la paroi de devant le nom de Saint Satyre dans une guirlande de raisins.

» En ce temps-là, mon fils, les tombeaux bordaient les routes. Le mien fut placé à deux milles de la ville, sur le chemin de Florence. Un jeune platane grandit au-dessus et le couvrit de son ombre entremêlée de lumière, pleine de chants d’oiseaux, de murmures, de fraîcheur et de joie. Une fontaine, non loin, coulait sur un lit de cresson ; les garçons et les filles venaient en riant s’y baigner ensemble. Ce