Aller au contenu

Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lieu charmant était un lieu saint. Les jeunes mères y portaient leurs petits enfants et leur faisaient toucher le marbre du monument, afin qu’ils devinssent forts et bien formés de tous leurs membres. C’était la commune croyance du pays que les nouveau-nés qu’on présentait à ma sépulture devaient un jour l’emporter sur les autres en vigueur et en courage. C’est pourquoi on m’amenait la fleur de la gentille race toscane. Les paysans me conduisaient aussi leurs ânesses dans l’espoir de les rendre fécondes. Ma mémoire était vénérée. Chaque année, au retour du printemps, l’évêque venait, avec son clergé, prier sur mon corps, et je voyais poindre de loin, à travers l’herbe des prairies, la procession des croix et des cierges, le dais d’écarlate, les chants des psaumes. Il en était ainsi, mon fils, au temps du bon roi Bérenger.

» Cependant les satyres et les satyresses, les faunes et les nymphes traînaient une vie errante et misérable. Pour eux, plus d’autels de gazon, plus de guirlandes de fleurs, plus d’offrandes de lait, de farine et de miel. À peine si, de loin en loin, quelque chevrier déposait furti-