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Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/47

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leur était un peu moins ennemie. La nuit n’appartient pas tout entière au dieu galiléen. Il la partage avec les démons. Quand l’ombre descendait des collines, faunes et faunesses, nymphes et pans, venaient se blottir contre les tombeaux qui bordent les chemins, et là, sous le doux empire des puissances infernales, ils goûtaient un peu de repos. Aux autres tombes ils préféraient la mienne, comme celle de l’ancêtre vénérable. Bientôt ils se réunirent tous sous la partie de la corniche qui, regardant le Midi, n’avait point de mousse et demeurait toujours sèche. Leur peuple léger y volait fidèlement chaque soir comme les colombes au colombier. Ils y trouvaient place aisément, étant devenus tout petits et pareils à la balle légère qui s’échappe du van. Moi-même, sortant de ma chambre muette, je m’asseyais parfois au milieu d’eux à l’abri des tuiles de marbre et je leur chantais avec un faible souffle de voix les jours de Saturne et de Jupiter ; et il leur souvenait de la félicité passée. Aux regards de Diane, ils se donnaient entre eux l’image de leurs jeux antiques, et le voyageur attardé croyait voir les vapeurs des prairies imiter sous la lune les