Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/75

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— Messer Bocca, venez çà ! Je devine à présent ce que Messer Guido nous voulait faire entendre. Il nous a dit que nous étions chez nous, dans un cimetière, parce que les ignorants sont semblables aux morts qui, selon la doctrine épicurienne, n’ont point de connaissance.

Messer Bocca répondit, en haussant les épaules, qu’il s’entendait à faire voler mieux que personne un sacre de Flandres, à jouer du couteau avec ses ennemis et à culbuter une fille, et que c’était là des connaissances suffisantes pour sa condition.


Messer Guido Cavalcanti continua quelques années encore à étudier la science d’amour. Il renferma ses pensées dans des canzones, qu’il n’est pas permis à tous d’expliquer, et il en fit un livre qui fut porté, ceint de lauriers, dans des triomphes. Puis, comme les âmes les plus pures ne sont point sans alliage de passions terrestres, comme la vie nous emporte les uns et les autres dans son cours sinueux et troublé, il advint qu’au tournant de la jeunesse, Messer Guido fut séduit par les grandeurs de la chair et par les puissances de ce monde. Il épousa,