Page:Anatole France - Le Puits de sainte Claire.djvu/89

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— Spinello, penses-tu vraiment que je sois paresseux ? Me crois-tu lâche, Spinello ? Estimes-tu que, dans ma révolte, j’ai manqué de courage ? Non. Il était donc juste de me peindre sous les traits d’un audacieux, avec un fier visage. On ne doit faire tort à personne, pas même au diable. Ne vois-tu pas que tu offenses Celui que tu pries, quand tu lui donnes pour adversaire un monstrueux crapaud ? Spinello, tu es bien ignorant pour ton âge. J’ai grande envie de te tirer les oreilles comme à un mauvais écolier.

À cette menace et voyant déjà le bras de Lucifer étendu sur lui, Spinello porta la main à sa tête et se mit à hurler d’épouvante.

Sa bonne femme, réveillée en sursaut, lui demanda quel mal il avait. Il lui répondit, en claquant des dents, qu’il venait de voir Lucifer et qu’il avait tremblé pour ses oreilles.

— Je te l’avais bien dit, lui répondit cette bonne femme, que toutes ces figures que tu t’entêtes à peindre sur les murs finiraient par te rendre fou.

— Je ne suis pas fou, dit le peintre. Je l’ai vu ; et il est beau, quoique triste et fier. Dès