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Page:Anatole France - Les Contes de Jacques Tournebroche.djvu/133

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Mon bon maître lui prit la main avec une extrême délicatesse.

« Mon enfant, lui dit-il, j’ai pris un tendre intérêt au récit de votre histoire, et je conviens qu’elle est douloureuse. Mais je suis heureux de discerner que votre mal est guérissable. Outre que votre amant ne méritait guère les bontés que vous avez eues pour lui et qu’il s’est montré, à l’épreuve, léger, égoïste et brutal, je distingue que votre amour pour lui n’était qu’un penchant naturel et l’effet de votre sensibilité dont l’objet importait moins que vous ne vous le figurez. Ce qu’il y avait de rare et d’excellent dans cet amour venait de vous. Et rien n’est perdu, puisque la source demeure. Vos yeux, qui ont coloré des nuances les plus belles une figure sans doute fort vulgaire, ne laisseront pas de répandre encore ailleurs les rayons de l’illusion charmante. »

Mon bon maître parla encore et laissa couler de ses lèvres les plus belles paroles du monde sur les troubles des sens et les erreurs des amants. Mais tandis qu’il parlait, Sophie, qui, depuis quelques instants, avait laissé fléchir sa