Page:Anatole France - Les Contes de Jacques Tournebroche.djvu/160

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part des femmes et des enfants pour deux jours.

Alors il reconnut que bientôt il ne resterait plus rien de la bonne nourriture, et il songea : « Les riches sont aimés de Zeus, et les pauvres ne le sont pas. J’ai, sans doute, offensé, sans le savoir, quelqu’un des Dieux qui vivent cachés dans les forêts ou dans les montagnes, ou plutôt l’enfant d’un immortel ; et c’est pour expier mon crime involontaire que je traîne une vieillesse indigente. On commet parfois sans intention mauvaise des actions punissables, parce que les Dieux n’ont pas exactement révélé aux hommes ce qu’il est permis ou défendu de faire. Et leur volonté est obscure ». Il agita longtemps ces pensées dans son esprit, et, craignant le retour de la faim cruelle, il résolut de ne pas rester la nuit oisif dans la demeure, mais d’aller, cette fois, vers les contrées où l’Hermos coule entre les rochers et où l’on voit Ornéia, Smyrne et la belle Hissia couchées sur la montagne qui, comme l’éperon d’un navire phénicien, s’enfonce dans la mer. C’est pourquoi, à l’heure