Page:Anatole France - Les Contes de Jacques Tournebroche.djvu/188

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

trouve pas un seul qui te surpasse en prudence.

Komm l’Atrébate entendit ces discours avec joie. Mais il cacha le plaisir qu’il en ressentait et, la lèvre soulevée par un sourire amer, il dit aux chefs bretons, en leur montrant du doigt les feuilles détachées des bouleaux, qui tournoyaient au vent :

— Les pensées des hommes vains sont agitées comme ces feuilles et sans cesse retournées dans tous les sens. Hier ils me tenaient pour un insensé et disaient que j’avais mangé l’herbe d’Erin, qui enivre les animaux. Aujourd’hui ils estiment que la sagesse des aïeux est en moi. Pourtant je suis aussi bon conseiller un jour que l’autre, car mes paroles ne dépendent point du soleil où de la lune, mais de mon intelligence. Je devrais, pour prix de votre méchanceté, vous abandonner à la colère de César, qui vous fera couper le poing et crever les yeux, afin qu’allant mendier du pain et de la bière dans les villages illustres, vous portiez témoignage par toute l’Ile bretonne de sa force et de sa justice.