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Page:Anatole France - Les Contes de Jacques Tournebroche.djvu/239

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pour son bien, pour l’arracher à mes ennemis, qui étaient les siens, pour l’affranchir de toute honte, pour l’amener de gré ou de force à suivre les avis salutaires, à prendre le bon parti, à penser ce que je pensais moi-même avec les plus nobles et les meilleurs, la vouloir toute belle et subtile et généreuse, et sacrifier à cet unique vouloir mes biens, mes fils, mes proches, mes amis ; me faire selon ses seuls intérêts libéral, avare, fidèle, perfide, magnanime, criminel, ce n’était pas aimer ma ville ! Mais qui donc l’aima, si je ne l’aimai pas ?

FRA AMBROGIO.

Hélas ! messer Farinata, votre impitoyable amour arma contre la cité la violence et la ruse et coûta la vie à dix mille Florentins.

FARINATA.

Oui, mon amour pour ma ville fut aussi fort que vous dites, Fra Ambrogio. Et les actions qu’il m’inspira sont dignes d’être données en exemple à nos fils et aux fils de nos fils. Pour que le souvenir ne s’en perdît point, je les ferais