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pour la République. Le général calculait juste. Sir Sidney fit monter le parlementaire à son bord et l’y reçut honorablement. Ayant lié conversation, il ne tarda pas à s’assurer que l’armée de Syrie était sans dépêches ni avis d’aucune sorte. Il lui montra les journaux ouverts sur la table et, avec une courtoisie perfide, le pria de les emporter.

Bonaparte passa la nuit sous sa tente à les lire. Le matin sa résolution était prise de retourner en France pour y ramasser le pouvoir tombé. Qu’il mît seulement le pied sur le territoire de la République, il écraserait ce gouvernement faible et violent, qui livrait la patrie en proie aux imbéciles et aux fripons, et il occuperait seul la place balayée. Pour accomplir ce dessein, il fallait traverser, par des vents contraires, la Méditerranée couverte de croiseurs anglais. Mais Bonaparte ne voyait que le but et son étoile. Par un inconcevable bonheur, il avait reçu du Directoire l’autorisation de quitter l’armée d’Égypte et d’y désigner lui-même son successeur.

Il appela l’amiral Gantheaume qui, depuis