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hausse-col du capitaine Minerve fussent portés, ceints de lauriers, en tête de la colonne qui défila devant la grotte de Virgile, un jour de fête, pour honorer la mémoire du chantre des héros.

— Aubelet, reprit Bonaparte, avait ce courage tranquille, que je n’ai retrouvé qu’en Bessières. Les plus nobles passions l’animaient. Il poussait tous les sentiments de son âme jusqu’au dévouement. Il avait un frère d’armes, de quelques années plus âgé que lui, le capitaine Demarteau, qu’il aimait avec toute la force d’un grand cœur. Demarteau ne ressemblait pas à son ami. Impétueux, bouillant, porté d’une même ardeur vers les plaisirs et les périls, il donnait dans les camps l’exemple de la gaieté. Aubelet était l’esclave sublime du devoir, Demarteau l’amant joyeux de la gloire. Celui-ci donnait à son frère d’armes autant d’amitié qu’il en recevait. Tous deux, ils faisaient revivre Nisus et Euryale sous nos étendards. Leur fin, à l’un et à l’autre, fut entourée de circonstances singulières. J’en fus informé comme vous, Monge, et j’y prêtai