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mourant sur la croix. Ce vendredi, dans lequel le mystère joyeux s’ajustait avec exactitude au mystère douloureux, était nommé le Grand Vendredi et célébré par des fêtes solennelles sur le mont Anis, dans l’église de l’Annonciation. Les papes avaient depuis longtemps attaché les indulgences plénières d’un grand jubilé au sanctuaire ancien, et le défunt évêque du Puy, Élie de Lestrange, avait obtenu du pape Martin le rétablissement de ce pardon. C’était une de ces faveurs que les papes accordaient toujours quand elles étaient demandées convenablement.

Le pardon du Grand Vendredi attira au Puy-en-Velay une foule de pèlerins et de marchands. Dès la mi-février, des gens des contrées lointaines se mirent en route, par le froid, la pluie et le vent. Pour la plupart, ils cheminaient à pied, le bourdon à la main. Autant qu’ils le purent, ces pèlerins voyagèrent en troupe pour n’être point trop pillés et rançonnés par les routiers qui tenaient la campagne, et par les seigneurs qui prélevaient des péages à l’entrée de leurs terres. Comme le pays des monts était particulièrement dange-